Document sans-titre
 
C
 Voyage réel, voyage mythique : sous terre, texte et traduction

Le Vestibule des Enfers.
Après une invocation du poète demandant aux dieux des Enfers la permission de raconter le voyage souterrain, Énée et la Sibylle s'avancent seuls dans l'obscurité (264-272).

Ibant obscuri sola sub nocte per umbram
perque domos Ditis vacuas et inania regna :
quale per incertam lunam sub luce maligna
est iter in silvis, ubi caelum condidit umbra
Juppiter, et rebus nox abstulit atra colorem.
Vestibulum ante ipsum primisque in faucibus Orci
Luctus et ultrices posuere cubilia Curae,
pallentesque habitant Morbi tristisque Senectus,
et Metus et malesuada Fames ac turpis Egestas,
terribiles visu formae, Letumque Labosque ;
tum consanguineus Leti Sopor et mala mentis
Gaudia, mortiferumque adverso in limine Bellum,
ferreique Eumenidum thalami et Discordia demens
vipereum crinem vittis innexa cruentis.
In medio ramos annosaque bracchia pandit
ulmus opaca, ingens, quam sedem Somnia vulgo
vana tenere ferunt, foliisque sub omnibus haerent.
Multaque praeterea variarum monstra ferarum,
Centauri in foribus stabulant Scyllaeque biformes
et centumgeminus Briareus ac belua Lernae
horrendum stridens, flammisque armata Chimaera,
Gorgones Harpyiaeque et forma tricorporis umbrae.
Corripit hic subita trepidus formidine ferrum
Aeneas strictamque aciem venientibus offert,
et ni docta comes tenuis sine corpore vitas
admoneat volitare cava sub imagine formae,
inruat et frustra ferro diverberet umbras.

Virgile, Enéide, livre VI, 268 à 294.

Traduction

    Ils allaient obscurs, dans la nuit solitaire, à travers l'ombre et à travers les demeures vides et les royaumes sans consistance de Dis : tel est le chemin dans les bois, par une lune incertaine, sous une lumière blafarde, quand Jupiter a enfoui le ciel dans l'ombre et que la nuit noire a enlevé aux choses leur couleur. Devant le vestibule même, à l'entrée des gorges d'Orcus, le Deuil et les Remords vengeurs ont établi leur lit ; les pâles Maladies et la triste Vieillesse y habitent et la Peur et la Faim mauvaise conseillère et l'infâme Pauvreté, figures effrayantes à voir, et le Trépas et la Peine ; puis, le Sommeil, frère du Trépas et les Joies mauvaises de l'esprit, et, sur le seuil en face, la Guerre porteuse de mort et les chambres de fer des Euménides, et la Discorde insensée, avec sa chevelure de vipères entrelacée de bandelettes sanglantes. Au milieu, un orme touffu, immense, déploie ses rameaux et ses branches chargés d'ans, séjour que les vains Songes, dit-on, occupent en foule, fixés sous toutes les feuilles. En outre, d'innombrables monstres, bêtes sauvages de toutes sortes : les Centaures séjournent à l'entrée et les Scylla à la double forme et Briarée aux cent bras et le monstre de Lerne qui pousse d'horribles sifflements et la Chimère armée de flammes et les Gorgones et les Harpyes et le contour d'une ombre à trois corps. Tremblant alors d'une subite épouvante, Enée saisit son épée et en présente la pointe aiguisée à ceux qui viennent vers lui ; et, si sa docte compagne ne l'avertissait que ce sont des âmes ténues, sans corps, qui volettent sous la vaine apparence d'êtres vivants, il se précipiterait sur elles et transpercerait vainement les ombres avec son épée.

séquence terre mer enfers